FONTAINE-L’ÉVÊQUE AU XIXe SIÈCLE

LES OCCUPATIONS FRANÇAISE ET HOLLANDAISE

De 1794 à 1814, le Hainaut fit de nouveau partie de la République Française sous la dénomination de département de Jemappes. La configuration de notre province était à peu près celle du Hainaut actuel.

Le 13 novembre 1795, la municipalité de Fontaine avait accordé au seigneur de Fontaine, le Comte Charles de Rodoan et à son épouse Marie de Mérode, l'autorisation de vendre et d'exploiter leurs coupes de bois pour payer leurs impositions et réparer le château rendu inhabitable par les dévastations commises par les armées françaises.

Le début du 19ème siècle allait voir la tranquillité se rétablir peu à peu à Fontaine-l'Évêque.

Le 3 mai 1802, les magistrats publièrent, au milieu de l'allégresse générale, au son des cloches et du bruit des canons et de la mousqueterie, le concordat conclu entre le Saint-Siège et le Gouvernement français. Les autorités se rendirent en cortège à l'église St-Vaast où fut chanté un Te Deum solennel. Le conseil municipal célébra le couronnement de l'Empereur en accordant une dot de 200 frs, le 6 décembre 1807, à une jeune Fontainoise, à condition qu'elle prenne pour époux un militaire ayant fait la guerre au service de Napoléon.

Le 27 mars 1811, à l'occasion de la naissance du fils de l'Empereur, le petit roi de Rome, le conseil décida de pourvoir à l'éducation d'un enfant né à la même date (le 20 mars) dans la ville ou à défaut dans le département de Jemappes.

Quant à l'Empereur, il sembla accorder urne attention particulière à notre ville ; il nous dota de la route de Charleroi à Binche qui fut inaugurée en grande pompe à Fontaine le 9 décembre 1810.

La route de Binche à Charleroi

Lors de cette cérémonie, le Baron de Fréville, préfet du département de Jemappes, prit la parole et déclara notamment : c’est au mois de septembre 1807 que Sa Majesté a ordonné qu'une route fût ouverte de Binche à Charleroi et Fleurus. Naguère, l'Empereur avait poussé le char de la Victoire jusque sur les bords du Niemen. Le char du Triomphateur, décoré des palmes de la Paix, venait de le ramener dans la capitale de son Empire. Au milieu des hommages de ses peuples. parmi les transports de l'allégresse publique, dans tout l'éclat de sa gloire, cet auguste monarque a daigné fixer son attention sur les intérêts de cet arrondissement.

Les cris de « Vive l'Empereur. Vive Napoléon le Grand ! » se firent entendre à plusieurs reprises au cours de cette cérémonie à laquelle assistaient encore le Sous-Préfet de l'arrondissement de Charleroi, A. Maght. maire de Fontaine-l’Évêque et J.-M. Renaux, doyen des commerçants de Fontaine-l'Évêque.

Après la retraite de Russie, Fontaine-l’Évêque voulant témoigner de sa fidélité à l'Empire, envoya à Napoléon, le 23 janvier 1813, une adresse dans laquelle on lui offrait deux cavaliers montés et équipés aux frais de la ville.

En 1814 et en 18 l5, nous dûmes faire face à de fortes dépenses pour le logement de troupes ; après la bataille de Waterloo le nombre de Prussiens en garnison chez nous s'élevait à 911 officiers et 57.990 sous-officiers et soldats. Devant l’importance de cette armée, un commandant de place fut nommé et la kommandantur fut installée à l’hôtel de ville (actuel Palais de Justice). L’empereur Napoléon dans son désir de conquérir l’Europe, avait dressé tous les peuples contre lui ; il succomba sous la coalition.

La France perdit ses conquêtes en Belgique et par les traités de Paris en 1814 et de Vienne en 1815, nous étions rattachés à la Hollande.

Le 20 mars 1815, en présence d’un détachement de hussards anglais en garnison dans nos murs, on lut aux Fontainois la proclamation du roi Guillaume de Hollande qui fut accueillie aux cris de « Vive le Roi des Pays-Bas ». Et pourtant, cette réunion de notre pays à la Hollande allait frapper d'un coup terrible notre industrie cloutière.

Dès 1814, nos produits furent prohibés en France, notre meilleur client. La travail à Fontaine se fit rare : certains fabricants émigrèrent dans le nord de la France avec leurs ouvriers. Devant cette pénible situation, le Conseil de Régence de Fontaine-l'Évêque adressa en 1819 au Gouvernement une requête qui expliquait le départ de l’industrie cloutière de ses capitaux et de ses ouvriers. Pour y remédier, le Conseil préconisait l'ouverture d’une chaussée de Fontaine à Gosselies par Forchies et Courcelles afin de faciliter l'écoulement de nos produits vers le nord du pays.

Sous le régime français, notre administration était composée d'un maire, de cinq municipaux et d'un conseil ; ensuite d'un maire, de deux adjoints et d’un conseil municipal ; mais sous le régime hollandais, en 1817, on nomma un Bourgmestre, deux échevins et un conseil de Régence qui devait devenir le conseil communal.

L'arrêté du 8 avril 1818 partageant le Hainaut en six districts plaça Fontaine-l’Évêque dans celui de Charleroi avec le rang de chef-lieu de canton. Le 18 février 1819, l'hôtel de ville brûla et presque toutes les archives disparurent.

Le plus ancien registre des séances du conseil communal que nous possédions encore va de l'an 1800 à l'an 1819.

Le 27 septembre 1827, Guillaume Ier, roi de Hollande, autorisait Pierre Camille Montigny, Fontainois né en 1793, à monter dans sa fabrique d'armes un appareil pour l'éclairage public et privé par le gaz. Les premières concessions de gaz à Bruxelles datent de 1810. Des essais avaient été faits à Londres en 1815; à Paris, la première installation avait été réalisée en 1824. Berlin et Vienne n'ayant employé ce procédé qu'en 1828-1829, Fontaine-l’Évêque est donc la deuxième ville de Belgique et l'une des premières du monde qui fut éclairée par ce nouveau procédé. Cette usine à gaz se situait dans la maison construite à l’angle de la Grand-rue et de la rue du Marché (actuellement Maison Lecoq) ; elle fonctionna pendant de nombreuses années.

Fontaine-l'eveque, son histoire

Le gazomètre restauré de Pierre-Camille Montigny

Fontaine-l'eveque, son histoire

L'inauguration du gazomètre restauré de Pierre-Camille Montigny
avec Carmelo Leonardo, Madame Parée, Alain Turchet et Hubert Duriaux

En 1828, furent démolies plusieurs tours du château dont le donjon. À la même époque, la Duchesse de Brancas, comtesse de Rodoan et châtelaine de Fontaine donna l’hospitalité, dans une tour que l’on montre encore aujourd'hui, à Bourrienne, secrétaire et ancien compagnon d’études de Napoléon. C'est au château de Fontaine qu’il écrivit ses «Mémoires sur Napoléon, le Directoire, le Consulat, l'Empire et la Restauration».

Il termine l'avertissement placé en tête de ces écrits par ces mots : Je n'oublierai jamais que c'est dans ces jardins sous leurs beaux ombrages que j'ai médité sur les chances et les souvenirs d’une vie agitée et que je revis pour ainsi dire dans les temps où j'ai déjà vécu. Au château de Fontaine-l'Évêque (Royaume des Pays-Bas) ce 1er mars 1829.

LA RÉVOLUTION DE 1830

En 1830, les provinces belges se révoltèrent contre la domination hollandaise. La ville de Fontaine-l’Évêque prit une part active à ce mouvement : le 12 septembre, le drapeau aux couleurs brabançonnes flottait au sommet des deux églises.

Le 24 septembre, les Fontainois se réunirent sur la place communale, devant l’hôtel de ville : là, François Bélière, brigadier des gardes de la duchesse de Brancas fit appel aux volontaires pour aller à Bruxelles défendre la Belgique.

François Fauconnier, maître-tailleur, posa le même geste.

Vingt-huit volontaires furent rapidement inscrits. Mais plusieurs d’entre eux n'avaient ni armes, ni argent. Un appel fut fait à la générosité publique et en une demi-heure, on recueillit 400 frs.

Une partie de cet argent fut distribuée à ceux qui allaient au secours de Bruxelles, l'autre fut consacrée à l'achat des armes. Le lendemain, aux premières heures du matin, les 28 volontaires sortirent de la ville, précédés d'un tambour et d'un drapeau brabançon. En tête marchaient Bélière et Fauconnier reconnus comme chefs.

Puis venait une musique dont les airs guerriers réchauffaient les cœurs. Plus de cinq cent habitants suivirent le petit groupe jusqu'à une demi-heure de marche de la ville.

Avant de se séparer, on s'embrassa mutuellement et on s'adressa de part et d’autre des paroles d’encouragement et de patriotisme (extrait du Courrier des Pays-Bas, du 5 octobre 1830).

Les Fontainois n'arrivèrent dans la capitale que le 26, vers quatre heures de l'après-midi. Ils se rendirent à l'hôtel de ville d'où on les dirigea vers la prison des petits Carmes dont on leur confia la garde. Un certain nombre se rendit néanmoins place Royale et prit part aux dernières actions de cette mémorable journée. Unis aux volontaires de Binche, de Gosselies et de Couvin, les Fontainois attaquèrent l'ennemi à Vilvorde le 26 septembre. Ils les poursuivirent dans la suite jusque Sempt et Eppeghem ; ils participèrent à différents engagements à Walhem et à Lierre et ne s'arrêtèrent que sous les murs d'Anvers.

Ils assistèrent au bombardement de notre métropole commerciale par le général Chassé et ne rentrèrent dans leur foyer qu'après la conclusion de l'armistice signé le 4 novembre.

Le 27 septembre 1832, le bourgmestre Ghislain-Bouly accompagné de deux anciens volontaires : Fauconnier François et Rose Remy se rendirent à Bruxelles pour recevoir des mains du Roi un drapeau d'honneur portant en lettres d'or : A la commune de Fontaine-l'Évêque. La patrie reconnaissante.

Le 30 septembre, de grandes fêtes furent organisées; un cortège composé de l'administration communale, des volontaires et de la garde civique attendit à la Barrière (Nouveau-Philippe), la députation revenant de Bruxelles avec le drapeau d'honneur. Ils se rendirent à l'église St-Christophe puis défilèrent par la rue de Binche, le rempart, la rue de la Bouverie, la grand-rue jusqu'à la place communale. Là, un détachement de volontaires déposa le drapeau dans les bâtiments communaux où un grand bal fut donné le soir.

Fontaine-l'eveque, son histoire

Chaque année, à l'occasion des fêtes de Septembre, 
une cérémonie rassemble des Fontainois devant la stèle commémorative

Depuis cette date. le drapeau d'honneur est exposé à l'hôtel de ville.

 

L'INDÉPENDANCE BELGE (de 1830 à 1914)

LA VIE ÉCONOMIQUE

Après la révolution belge, notre ville allait connaître une longue période de tranquillité ; elle permit un important développement économique.

Alors que les communes voisines telles que Leernes, Landelies, Souvret, Monceau et Marchiennes possédaient chacune moins de 1.000 habitants en 1831, la ville de Fontaine-l’Évêque comptait déjà une population de 2.847 âmes.

Sa superficie de 1144 hectares n'allait plus se modifier ; par contre, sa population allait s’accroître régulièrement et l'industrie cloutière s'épanouir par l'introduction en Belgique de machines pour la fabrication de pointes de Paris et de clous de petites dimensions. En 1830, une fabrique mécanique s'établit rue du chemin de fer et dura jusqu'en 1890.

En 1833, se créa une « affinerie » fabriquant le fer en barres et les socs de charrues ; 60 petites forges pour la production de clous et de chaînes occupaient chacune 5 ouvriers. En même temps se fondait, grâce à de Haussy, une clouterie mécanique sur la place du Marché dans l'ancien couvent des Récollectines ; elle devait durer jusqu'en 1923.

En 1842, apparaît la société des clouteries Otlet affermée dans la suite à la société « Clouterie des Flandres » ; cette fabrique commença avec deux métiers dans une forge qui était située dans l'actuelle rue L. Delattre.

En 1857, s'ouvrit la clouterie Baudoux au bas de la rue de Haussy, à l'emplacement du jardin du café « Au Phare ». Elle se transplanta ensuite rue du Chemin de fer.

En 1864, à côté de 42 petits ateliers de cloutiers se créent quatre nouvelles clouteries : la société Lemal, rue du Chemin de fer ; la clouterie Baillieux, rue de Binche, emplacement des maisons 56, 58, 60 : les clouteries Roelandt, rue des Houillières et l'établissement Castin, sur les Perziaux.

À cette époque, trois marchands de clous étaient particulièrement connus ; leurs noms résonnent encore familièrement aux oreilles des Fontainois : M. Fosselart, grand-rue (actuellement maison R. Hennaut) ; M. Delcourt, rue de Binche, dont le métier est continué par ses descendants ; M. Delporte, rue d’Assaut.

En 1870, était créée la S.A. des clouteries mécaniques ; en 1876, les usines Dercq et en 1887 la société en commandite Léandre Henne. En 1898, s'installe « La Fontainoise » qui implanta en Belgique la fabrication des vis à bois et en 1907, la société coopérative « L'Espérance », rue du Repos.

Jusqu'en 1914, les clouteries fontainoises jouirent dans le pays d'un monopole quasi inattaquable ; les procédés de fabrication, jalousement gardés, étaient transmis de père en fils et les industriels locaux faisaient des affaires d'or.

Parallèlement se développaient à Fontaine, l'extraction de la houille et l'industrie de la pierre à chaux. En 1839, le Conseil communal donnait l'autorisation à Pierre Cambier, négociant, de construire un four à chaux le long du chemin de Fontaine à Leernes : en 1840, Augustin Sottiaux, maître de carrières était autorisé à établir un four à chaux au hameau des Gaulx. En 1842, Antoine Bouly en établissait un au Tienne Alarmont ; en ce même endroit, les sieurs Anique Frères recevaient l’autorisation d’en construire un autre en 1847.

Enfin en 1849, Monsieur Antoine Bouly en édifiait un dans une carrière qu'il possédait à un endroit appelé l'Enfer (rue Henrichamps).

En ce qui concerne la houille, quelques « cayats » furent d'abord en activité : la fosse Robert (1834 à 1841), la fosse de la Pompe (1845-1851), la fosse de Metz (1857), la fosse Pain et la fosse Ste-Françoise.

Les « cayats » étaient des sortes de grands puits au fond desquels les ouvriers mineurs exploitaient les veines. Ces puits étaient surmontés d'un treuil à manivelle qu’actionnaient deux femmes ou deux enfants. La chaîne se terminait par une espèce de tonneau dans lequel on descendait le mineur : c'est dans ce même tonneau que le charbon extrait était placé et remonté.

Ce n'est qu'en 1866 qu'une véritable exploitation fut organisée par la S. A. des Charbonnages de Fontaine-l'Évêque. Dès 1863, Augustin Dufranne avait pratiqué des sondages et commencé le creusement d'un puits. En 1866, il fit une demande de concession en compagnie de Mesdames Palmyre et Sidonie Leroy de Seneffe qui apportaient le terrain dans lequel avait été commencé le creusement des deux puits du siège numéro 1 (Pétria). Cette première société, dite Société Houillière de Fontaine-l'Évêque se transforma le 30 mai 1874 en société anonyme des Charbonnages de Fontaine-l'Évêque. 

Fontaine-l'eveque, son histoire

Rue du Pétria

Elle acquit en 1869 la concession de Beaulieusart qui comprenait 590 hectares sous les communes de Fontaine-l'Évêque, Leernes et Anderlues et en 1872, la concession de Leernes-Landelies. Le puits numéro 1 créé en 1866 au Pétria ne mesurait que 2,20 m de diamètre et servait de retour d'air : un second puits destiné à l'extraction fut commencé en 1867. En 1868, fut installée une machine d'extraction à vapeur tandis que débutait le creusement du premier bouveau de recherches au niveau de 200 mètres.

En 1869, fut installé le premier ventilateur Guibal ainsi que les grilles de criblage ; on passa à l'extraction du charbon qui coûtait :

  • tout venant, pris à la fosse : 13 frs la tonne
  • mis à wagon : 14 frs la tonne
  • vendu au détail : l5 frs la tonne.

Le transport des charbons de la mine à la gare de Fontaine-l’Évêque se faisait par chevaux ; mais, dès 1870, une convention fut établie pour la construction d'un raccordement du siège numéro 1 à la gare.

Fin 1871, le Conseil d'Administration décida la construction de 50 maisons ouvrières pour les mineurs le long de la route de Mons (Coron du Cantonnier).

En 1873, fut décidé l'établissement d'un second siège d'extraction au lieu dit « Calvaire » à la limite des communes de Fontaine et d'Anderlues ; le creusement du puits d'aérage du siège numéro 2 débuta le l5 juillet 1875 et celui du puits d'extraction l'année suivante.

Dès 1879, commença le raccordement de ce siège à la gare d'Anderlues.

Le 17 avril 1888, un coup de grisou au numéro 1 fit 14 victimes parmi les mineurs, tandis que le 9 décembre 1889, un dégagement instantané de gaz au bouveau sud de 497 m au siège numéro 2 fit 5 autres victimes. A la suite de cet accident, le charbonnage fut classé dans la troisième catégorie des mines à grisou. Le sondage de la Hougaerde (Leernes) ne fut décidé qu'en 1906 et l’installation du siège numéro 3 le 31 janvier 1910.

En plus des clouteries, fours à chaux et charbonnages, de nombreuses petites industries et entreprises commerciales existaient à Fontaine-l'Évêque. Le rapport communal de 1841 cite notamment : le charronnage, la boulangerie, la fabrication de chandelles, d'armes de luxe, la tannerie, la pannerie, la serrurerie, la vente d'étoffes, l'épicerie, la meunerie, la brasserie et les débits de boissons.

Les industries du clou et du charbon allaient être favorisées par l'installation, à partir de 1864, d'une ligne de chemin de fer reliant Piéton à Marchienne-au-Pont et passant naturellement par Fontaine.

Jusque-là, existaient deux services de diligences, l'un vers Marchienne-au-Pont, l'autre vers Mons par Binche. Le premier était exploité par Camille Bouillet et ensuite par sa veuve ; le second par Louis Villez, ensuite par sa fille Pauline, mariée en 1853 à Antoine Lebrun.

Ceux-ci habitaient dans l'actuelle rue Benoît Fauconnier, à l'emplacement de l'ancienne boucherie Wincq, aujourd'hui démolie.

Leur auberge possédait, outre une salle de café et une salle à manger des écuries et des chambres pour voyageurs; c'est aussi dans cette maison que naquit Benoît Fauconnier.

Par la suite, le relais s’installa chez Louis Vilez, frère de Pauline au fond de la place communale, au coin du chemin conduisant maintenant au Château. Lorsque le service de diligences fut remplacé par la ligne de chemin de fer, le fils de Louis Vilez transforma ses transports de voyageurs en transports de marchandises ; il conduisait vers la gare de Marchienne-au-Pont les produits bruts et finis fabriqués dans les usines de Fontaine. (Renseignements fournis par M. Paul Thiry, petit-fils de Pauline Vilez, épouse Lebrun).

Bientôt, au chemin de fer de Fontaine, vinrent s'ajouter des raccordements industriels et une station privée appartenant au charbonnage. La ville fut ainsi dotée d'un important réseau de communications qui fit immédiatement sentir ses effets.

La population passa de 2.847 habitants en 1831 à 5.351 en 1880 et à 6.092 en 1910. Cette augmentation découla de l'arrivée dans les clouteries, de nombreuses familles venant de Thudinie et de l'Entre-Sambre-et-Meuse tandis que des mineurs flamands, après des voyages hebdomadaires en train finirent par se fixer à Fontaine avec les leurs.

LA VIE SOCIALE

Si l'industrie était en plein essor dans notre cité, la situation des ouvriers n'était pas pour cela très brillante. Ils étaient logés dans des taudis et soumis à d'inhumaines conditions de travail. Les enfants du peuple allaient à l'usine ou à la fosse dès l'âge de 8 ans ; ils y faisaient des journées de 12, 13 et 14 heures, n’ayant de repos que le dimanche.

Fontaine-l'eveque, son histoire

Les maigres salaires alloués ne permettaient à l'ouvrier et à sa nombreuse famille qu'une nourriture très pauvre : du pain, des légumes, des pommes de terre ; le beurre était rare, quant à la viande, on n’en mangeait que le dimanche ; encore s'agissait-il de morceaux de deuxième choix tels que bouilli ou lard.

Dans le même temps, l'armée belge se constituait de la façon la plus scandaleuse. Dans chaque commune. un certain nombre de miliciens étaient appelés par le système de tirage au sort. Celui qui tirait un mauvais numéro devait partir soldat ; mais en versant 1.600 frs, les fils de riches se faisaient remplacer par des malheureux. A Fontaine, le tirage au sort avait lieu chaque année aux environs du mois de février pour les habitants des communes de Fontaine, Goutroux, Landelies, Leernes, Monceau, Montigny-le-Tilleul, Bellecourt, Chapelle, Forchies, Piéton, Souvret et Trazegnies. Il fallut attendre les lois sur l'instruction obligatoire, sur la journée de huit heures et sur le service militaire obligatoire, pour que ces iniquités disparaissent.

LA VIE POLITIQUE ET ADMINISTRATIVE

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Plan dressé (de mémoire) par Louis Delattre
afin d'illustrer un conte fontainois

En 1852, mourut le dernier seigneur de Fontaine : Louis, duc de Brancas, grand d'Espagne et pair de France. Sa mésentente avec son épouse Caroline-Ghislaine, comtesse de Rodoan et baronne de Fontaine ainsi que les folles dépenses qu'ils opérèrent tous deux les avaient complètement ruinés. Le château fut vendu ; ainsi se clôturait la longue liste des seigneurs qui, pendant 700 ans, avaient marqué de leur empreinte l'histoire de notre ville.

Entre-temps, l'ancien couvent des Récollets avait été acheté par la famille de Haussy qui le transforma en château. Le corps de logis occupait l'endroit devenu aujourd'hui l'hôtel de ville ; les écuries étaient construites là où se situe actuellement le théâtre communal ; les jardins du château sis où est installé le parc de la ville.

François de Haussy, né en 1789, devint avocat, conseiller communal de Fontaine et sénateur. Il accéda en 1847 à la fonction de Ministre de la Justice.

A cette époque, les partis politiques n'existaient pas sous la forme actuelle. Au 1er janvier 1840, sur une population de 2.908 habitants, il y avait seulement 55 électeurs pour les Chambres et 191 pour la formation du conseil communal ; seuls les fortunés avaient le droit de vote. La lutte politique locale se résumait donc à une rivalité de clans.

En 1843, parmi les quatre écoles privées établies dans la ville, deux furent adoptées pour servir d'écoles communales : celle du sieur Jean Leclercq pour les garçons et celle d'Antoine Leroy pour les filles.

Dans la première, 90 garçons « pauvres » étaient admis pour y recevoir l'instruction gratuite et 84 filles « pauvres » dans la seconde. On peut évaluer que les autres écoles recevaient en outre un nombre moyen de deux cents élèves « payants ».

En cette même année 1843 fut pratiquement achevée la route d’Anderlues à Courcelles, réclamée en 1819 par les Fontainois pour le transport de leurs fabrications industrielles.

C'est en 1847 que s'installa le couvent des sœurs de Ste Marie ; elles venaient de Namur à la demande de Mme Ghislain-Bouly qui désirait voir s'établir dans la ville une institution de religieuses vouées à l'enseignement. Cette dame fournit les fonds pour l'achat d'un établissement convenable.

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Le couvent des sœurs de Sainte Marie

En 1851, le Conseil Communal proposa de tirer parti d'une source perdue à l'endroit dit « Le Berger » ; il décida l'établissement d'un train de fontaine pour apporter des provisions d’eau aux habitants des quartiers de l'Esplanade et de la rue de Leernes. C'est à cette époque que furent opérés les nivellements des remparts, notamment ceux des religieuses (rue de Haussy) et de la Bouverie (boulevard du Nord).

En 1855, la communication avec la commune de Piéton fut améliorée par l'aménagement d'un chemin empierré remplaçant les divers sentiers qui filaient à travers champs.

La ville continuant à se développer, le « vieux cimetière » situé entre la rue de la Babelonne et la rue des Houillères se trouva trop exigu, surtout trop proche des habitations. Dans un but de salubrité publique, i1 fut décidé, en 1875, de le remplacer par un nouveau, à l'endroit appelé « champ de la Blanche Maison ».

Le hameau des Gaulx était relié au centre de Fontaine par un sentier qui, partant de la ruelle Luton, traversait les prairies de la rue des Déportés qui n'existait pas encore, et allait rejoindre la rue Verte (rue du Parc) au-dessus de la propriété du Docteur Denamur. En août 1878, le rempart des religieuses ayant été nivelé, le Conseil communal sollicita un emprunt pour créer un chemin empierré reliant la porte du Marteau (bas de la rue de Haussy) à la ruelle Luton, chemin qui devait devenir par la suite l'avenue des Déportés.

En 1881, fut construite une école communale de 6 classes « dans la partie haute de la ville ». Il s'agissait de l'école primaire pour filles, installée rue Paul Pastur et qui fut démolie en 1956 pour faire place à l’école Léo Collard. Elle comprenait 2 classes gardiennes autonomes et 4 classes primaires. Un vaste préau séparait les deux écoles. A front de rue, entre les maisons des chefs d'école était établie une école ménagère. La première institutrice en chef fut Melle Remv ; lui succédèrent chronologiquement Mme Leclercq, Melle Ledoux, Melle Manderlier, Mme Gusbin et aujourd’hui, Mme Delsarte.

C'est aussi en 1881 que la Cie Téléphone Bell reçut l'autorisation du Conseil Communal d'installer des lignes téléphoniques au-dessus du territoire de la ville.

L'année suivante s'ouvrit à Fontaine une école moyenne pour garçons qui débuta avec 12 élèves; elle en accueillit 70 en 1883 ; 75 en 1884 ; 95 en 1885 et 100 en 1886.

Le 10 août 1886, le Conseil communal décida la création d'une école industrielle et commerciale qui commença l'année suivante avec 59 élèves. Les différents directeurs furent MM. Collinge de 1887 à 1893, Hippolyte Cornille de 1893 à 1921, René Delcourt de 1921 à 1952 et Aurélien Dumont depuis 1952. Elle compte aujourd'hui plus de 500 élèves.

En sa séance du 8 janvier 1896, il fut donné lecture au Conseil communal d'une pétition de MM. Joseph Parée et consorts relative à la création et à l'emplacement d'une école gardienne et d'une place publique à l'important hameau des Gaulx. A la suite de cette requête, le Conseil décide le 6 mars 1897, la création de la place des Gaulx par l'acquisition de 23 ares de terrain appartenant à M. Gédéon Genin ; le 1er octobre 1899, l'école gardienne ouvrait ses portes avec une population de 31 garçons et 17 filles.

Par arrêté royal du 7 mars 1898, la ville de Fontaine-l’Évêque fut autorisée à reprendre ses anciennes armoiries qui sont « d'or, à l'aigle de sable lampassée et onglée de gueules, à une cotice de gueules brochant sur le tout ».

Toujours en 1898, l'administration communale décida de faire les démarches nécessaires pour l'établissement d'un chemin de fer vicinal allant d’Anderlues à Trazegnies par Fontaine. Celui-ci fut mis en service en 1907.

Fontaine-l'eveque, son histoire

En 1900, l'éclairage public au gaz dû à P. C. Montigny comprenait 177 lanternes ; le hameau de Beaulieusart qui ne possédait aucune conduite de gaz était éclairé par 36 lampes au pétrole.

C'est le 9 septembre 1900 que fut inauguré l'hôpital communal en présence du gouverneur de la Province du Hainaut. Le 31 juillet 1909 eut lieu à la place de l’Esplanade, l'inauguration du kiosque dû à la générosité de M. Adolphe Otlet, industriel local.

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En 1911, s’ouvrit une école gardienne communale au hameau de Beaulieusart.

En 1912, la petite-fille du ministre de Haussy vendit à la ville le domaine des de Haussy ; le corps de logis fut transformé en hôtel de ville ; les écuries devinrent salle des fêtes communale quelques années plus tard.

L'ancien hôtel de ville (Palais de Justice) avait subi un incendie partiel en 1911. Dès 1913, les travaux de reconstruction étaient terminés et les services de police fonctionnaient au rez-de-chaussée tandis que le tribunal de Justice de Paix siégeait au premier étage. Il en est encore ainsi aujourd'hui. 

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L'Hôtel de Ville

Quant à l'éclairage public, il avait fortement progressé puisqu'à la veille de la guerre, il comptait 648 lanternes dont 409 lampes électriques et 239 becs Auer.

LA GUERRE 1914-1918

 

L'INVASION

Le 9 août 1914, un ultimatum allemand exigea du Gouvernement belge le passage à travers le pays : le lendemain, il était repoussé.

Le 4 août, les troupes allemandes envahirent la Belgique.

A Fontaine, la fête communale battait son plein quand, sur la place de l'Esplanade, on fit annoncer la nouvelle de la guerre avec l'Allemagne et la mobilisation générale.

Le lundi 10 août, une ambulance de la Croix-Rouge de Belgique fut créée par les docteurs Hautain. Boulanger et Despy : cent dix lits furent installés dans les locaux de l'école communale des filles. rue de l'Enseignement (actuellement rue P. Pastur).

La générosité de la population fut totale : les armoires se remplirent de réserves de toutes sortes y compris de la vaisselle et des objets de toilette : les caves regorgèrent d'aliments et de boissons, la caisse se garnit d'argent.

A cette époque existait chez nous une garde civique dont le commandant était Fernand Duperroy et le capitaine Henri Briard. deux notables fontainois ; elle avait pour but de faire régner l'ordre dans la ville et de garder les voies ferrées.

Le local de l'état-major se situait à l'ancien hôtel de ville.

LA BATAILLE DE LEERNES

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Le monument aux soldats français morts dans la bataille de l'Espinette

Le vendredi 21 août. des cyclistes français. couverts de poussière, parcouraient nos routes. Vers neuf heures du soir, le 28e régiment d'infanterie française parti le matin même d'Ham-sur-Heure traversait Leernes et venait passer la nuit à Fontaine.

Vers quatre heures du matin, le samedi, une partie de la troupe se remit en route alors qu'une importante arrière-garde prenait position à la limite de Fontaine et de Leernes.

Vers le plateau de la Plagne d'où se découvrait la route de Charleroi, une batterie de campagne avait scié les pommiers et s'y était installée.

Les fantassins approfondissaient les fossés et confectionnaient de petits parapets de terre.

Dès neuf heures du matin, l'incendie allumé par les Allemands à Monceau-sur-Sambre, dévorait les maisons de la route de Trazegnies ; vers dix heures, la population put entendre le bruit du canon et des mitrailleuses dans la direction de cette commune. Sur la route de Charleroi à Mons, des centaines de personnes alarmées, discutaient en quête de nouvelles. Au Paradis, sur le bord du chemin qui sépare Fontaine de Leernes, une quarantaine de soldats français étaient alignés bien abrités dans le fossé. Le reste du bataillon avait pris position sur une ligne partant de l'actuel cimetière de Leernes jusqu'à la ferme de l'Espinette ; c'est là que. face à Monceau, ils attendirent l'ennemi.

Bientôt deux uhlans apparurent à la lisière du bois de Hameau. à 1.500 mètres. L'un des deux fut abattu ; l’autre tourna bride et rentra dans le bois. Le commandant français jugea bon d'avancer sa ligne de défense ; sur ses ordres, l'extrême gauche demeura au cimetière ; mais toute la ligne pivota pour que l'extrême droite atteignit la ferme de M. Durieux, plus rapprochée de la route de Charleroi-Mons que la ferme de l'Espinette. Les soldats français quittèrent leur position pour aménager la nouvelle ligne ; mais ils n'eurent pas le temps de se protéger ; de partout, sortaient des Allemands venant de Goutroux et du Bois de Hameau : tout le 1e régiment allemand d'infanterie de réserve y était. La défense française fut tenace mais elle comptait à peine 300 fusils face à plusieurs milliers d'Allemands appuyés de mitrailleuses et de canons postés sur le plateau de Goutroux.

Les Français accomplirent des prodiges d'héroïsme : ils ne reculèrent pas mais furent contournés sur leur droite. Le combat inégal dura de dix heures du matin à deux heures de l'après-midi ; postés dans leur grenier, les habitants du hameau des Gaulx purent aisément suivre le combat. A trois heures, tout était terminé et les brancardiers allemands s'occupèrent des blessés.

Vers cinq heures, débordés de travail, ils permirent aux brancardiers fontainois de procéder à la relève des blessés qui furent transportés à 'ambulance de Fontaine-l’Évêque. Là se trouvaient déjà des soldats français qui s'y étaient réfugiés seuls ou aidés par nos concitoyens : 27 blessés allemands et 91 français furent hébergés dans l'école des filles de Fontaine ; mais d'autres furent soignés à l'École des Sœurs de Leernes et à 1'ambulance du domicile du docteur Hautain ; les Allemands avaient également enlevé la grosse partie de leurs blessés. Sur les 125 soldats soignés, tant à l'hôpital de Fontaine qu'à l'ambulance de la rue de l'Enseignement, 12 moururent, dont un Allemand. Le 22 septembre, un médecin allemand, sans pitié pour les blessés hospitalisés, les déclara transportables pour la prison en Allemagne. Le 23, un « train sanitaire » arriva à la pointe du jour en gare de Fontaine ; il se composait de six wagons à bestiaux parfaitement vides et sans personnel. Les brancards durent servir de lits aux blessés et les plus faibles reçurent une couverture ; les Fontainois n'avaient pas oublié de munir chaque soldat de paquets de nourriture et de boissons ; le train n'arriva à Liège que le lendemain dans l’après-midi. Les officiers et soldats qui moururent à Fontaine-l’Évêque furent enterrés au cimetière communal d’où ils furent enlevés en 1917 pour être transportés au cimetière de Collarmont.

LA MORT D'UN BRAVE

Pendant que se déroulait le combat de Leernes, une autre bataille ensanglantait la plaine d'Anderlues. Quatre soldats français blessés étaient couchés à proximité du puits numéro 2 des charbonnages de Fontaine-l’Évêque. Un courageux Fontainois, Léon Gandibleu, attela son cheval dans les brancards de sa charrette et s'en fut les recueillir. Il devait payer de sa vie sa générosité.

Des soldats allemands aperçurent le véhicule et son lourd fardeau humain que Monsieur Gandibleu ramenait vers notre ambulance ; ils s'en approchèrent et déchargeant sur ces malheureux leurs fusils, percèrent de balles cheval, conducteur et blessés. Seul, un soldat français, recouvert par les corps de ses camarades, put être sauvé lorsqu'on enleva les dépouilles des assassinés.

LA CHANCE DE FONTAINE-L'ÉVÊQUE

Le samedi 22 août. pendant que ces combats ravageaient les communes voisines, quatre uhlans venant d'Anderlues arrivèrent à Fontaine par la rue du Repos. Ils traversèrent la ville et s'arrêtèrent sur la Place Frère Orban : là, deux Fontainois : Messieurs Mouchet et Nagels étaient sur le pas de 1eur porte ; le premier s'écria « Vivent les Anglais » tandis que le second caressait la tête du cheval le plus rapproché. Un Allemand demanda où se trouvaient les Français. Ceux-ci avaient pris position, un peu plus loin, au carrefour du Nouveau Philippe. Croyant sincèrement avoir devant lui des Anglais, Monsieur Gustave Nagels répondit : Ils sont là, plus haut. Les quatre uhlans ne demandèrent pas leur reste et firent demi-tour ; il est probable que cette méprise évita de durs combats dans notre ville.

Les Allemands se rendirent alors place communale où ils furent reçus par la garde civique qui les accueillit également aux cris de : Vivent les Anglais. Le chef du petit groupe allemand déclara : Nous, Allemands, Fontaine, fusiller, incendier.

En effet, à Anderlues, un habitant retranché dans sa cave, avait tiré des coups de feu dans les pattes de leurs chevaux. L'officier se croyait toujours à Anderlues et voulait des représailles. On sortit des cartes d'état-major et on lui expliqua qu'ils étaient sur le territoire de Fontaine-l'Évêque. Ils consentirent enfin à descendre de cheval, demandèrent du café mais ne le burent qu'après que les membres présents de la garde civique y aient eux-mêmes goûté. Ils partirent ensuite faire rapport à leurs supérieurs, après avoir confisqué toutes les armes qui se trouvaient à l'hôtel de ville.

Vers six heures du soir, l'infanterie allemande arriva de Forchies où le Bourgmestre Despy, accompagné de ses Échevins, étaient allés les attendre. Toute la troupe traversa une ville aux volets fermés et se dirigea vers Anderlues par le Nouveau- Philippe. Ce fut tout ce que les Fontainois eurent à supporter de leur premier contact avec les Allemands; alors que de nombreuses localités connurent l'incendie, la fusillade et la torture, notre ville échappa heureusement à tous ces malheurs.

LES ANNÉES DE GUERRE

Mais pendant quatre longues années, la population allait subir la misère, la faim et la déportation. Une Kommandantur fut installée sur notre territoire, place du Préau, près de la maison de M. le Doyen, à l'ancien bureau des Postes. Le 1er octobre 1914, le Collège échevinal fut mis dans l'obligation de désigner deux otages pour garantir que les miliciens des classes 1914 et 19 ne quitteraient pas la ville.

Par voie de tirage au sort, furent désignés comme otages Hecq Paul et Engelen Jean ; ils furent conduits en voiture à Charleroi sous la surveillance de la police locale. Dès le 13 novembre 1914, fut constitué un comité communal de secours pour venir en aide aux familles nécessiteuses. Du lard, des haricots, du riz, des rutabagas, du pain hollandais, des secours en argent étaient distribués à la population. Une soupe populaire fut même servie chaque midi dans le fond de la Grand’Place; des centaines de Fontainois faisaient la file pour recevoir leur ration quotidienne.

Malgré tout, la faim était le lot de bien des familles. L'insuffisance de nutrition, la consommation exagérée de rutabagas provoquèrent de graves maladies. Nombreux furent les Fontainois qui s'en allaient au loin à la recherche de ravitaillement. La chose était interdite ; aussi revenaient-ils en cachette des Allemands qui, à l'occasion, ne manquaient pas de s'emparer de leur butin. Une ordonnance allemande fixait le couvre-feu à neuf heures du soir ; de plus, les citoyens en âge de porter les armes ne pouvaient se déplacer dans les communes voisines ; chaque mois, ils devaient se présenter au contrôle de l'autorité occupante. Le travail était pratiquement nul et la majorité de la population était en chômage. Les usines de la Fontainoise et de l'Espérance furent longtemps occupées par des troupes allemandes de passage.

En 1915, le Conseil communal décida d'employer de nombreux ouvriers chômeurs pour l’exécution d'un chemin reliant la ville à la route de Charleroi par l'Ermitage (Avenue des Déportés). En 1916, il fit déblayer le dernier tronçon des vieux remparts par les chômeurs (Boulevard du Midi).

Cette même année, les coins de terre se révélant insuffisants vu la grande misère, le Comité du ravitaillement décida de diviser en lots la partie de parc non ensemencée pour permettre aux chômeurs d'y cultiver des pommes de terre et des légumes. C'est aussi en cette année 1916 que les Allemands rassemblèrent les sans-travail de Fontaine et de Forchies sur la place communale ; on les conduisit à Marchiennes dans les ateliers Germain. De là, ils partirent en déportation pour l’Allemagne dans des trains à bestiaux Certains ne revinrent pas...

La région de Saint-Quentin ayant été évacuée, de nombreux Français réfugiés furent hébergés chez les Fontainois et à l'école des Sœurs de Sainte-Marie, jusqu'en 1918. Durant la guerre, un skating que les Fontainois appelaient « le patin à roulettes » existait rue de Beaulieusart, face à l’actuelle Cité Chavée : les Allemands y avaient parqué les prisonniers anglais. Cette prison fut bombardée en 1918. Il y eut sûrement des tués, mais les Allemands les emmenèrent en cachette durant la nuit.

Cette même année 1918, une épidémie dite « fièvre espagnole » se déclara dans le pays ; à Fontaine, il y eut 236 morts cette année-là pour 127 la première année de la guerre et 139 en 1919. Ceux qui en réchappèrent connurent une longue maladie.

Le 12 novembre 1918, lendemain de l’Armistice, les Anglais étaient déjà dans nos murs ; ils étaient accompagnés de Canadiens, d'Hindous et d’Australiens. Ils se contentèrent de traverser la ville mais ne s'y arrêtèrent pas.

Quand nos déportés rentrèrent dans leurs foyers, ils étaient presque tous méconnaissables tant la consommation presque exclusive de rutabagas avait gonflé et déformé leurs traits.

En 1919. le 2e Régiment de Chasseurs à pied, à son retour d'occupation en Allemagne trouva la caserne de Charleroi occupée. L'État-major du régiment et un bataillon composé de quatre compagnies, commandé par le major Stroobants débarquèrent à la gare de Fontaine-l'Évêque le 23 mars vers minuit. Les bureaux de l'État-major furent installés sur la grand’place au café portant l'enseigne : « Aux Armes de la Ville » ; les compagnies furent logées chez l'habitant : la première, route de Mons et environs ; la deuxième, rues de la Bouverie, de Binche et d’Henrichamps; la troisième, rues des Clouteries, des Gaulx et de la Briqueterie ; la quatrième, également dans les environs de la route de Mons. 

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Le château Bastin, aujourd'hui palais de Justice

Le colonel B. E. M. Panhuys occupa un appartement dans le château Bastin, place des écoles tandis que le major Stroobants fut accueilli dans la propriété du notaire Briard (actuellement notaire Lambin) rue de la Station. Le départ de ces troupes, rejointes par le 2e bataillon logé à Leernes, eut lieu le 17 mai 1919 dans la matinée. Musique en tête, drapeau largement déployé, les soldats quittèrent notre ville, accompagnés durant plusieurs kilomètres, par de nombreux Fontainois.

Les années suivantes, de grandes fêtes eurent lieu en l'honneur du 2e Chasseurs ; certains revinrent même s'y fixer définitivement après avoir épousé de jeunes Fontainoises.

L'ENTRE-DEUX-GUERRES

Les deux décades qui suivirent transformèrent la vie de notre cité / spécialement dans le domaine de la politique, de l’économie et des loisirs.

LA VIE POLITIQUE

En 1920, fut construite l'école communale des garçons au boulevard du Nord. Elle prolongea, puis remplaça la vieille école du Trieu des Bois

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L'école communale des garçons au boulevard du Nord

Les directeurs en furent : Messieurs Elie Wéry jusqu'en 1930, ensuite Gaston Fabry de 1930 à 1950, Léopold Thiry de 1950 à 1956, 0scar Dupont du 1-9-1956 au 31-12-1956, Léon Detiège de 1957 à 1959, André Wéry à partir de 1959.

Les vieilles écoles communales pour filles de la rue de l'Enseignent s’agrandirent par l'installation d'un bâtiment supplémentaire au boulevard du Midi (ce dernier devait être cédé à l'État en 1930 pour l'ouverture d'une École Moyenne pour filles).

Le 7 août 1921, fut inauguré, face à la gare, un monument en l'honneur des victimes de la guerre 1914-1918, avec le concours de la musique du 2e Chasseurs à pied. Après la cérémonie, une remise de diplômes et de médailles aux combattants fontainois eut lieu à l'hôtel de ville.

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Le 8 mai 1925, le Conseil communal émit un avis favorable sur le projet d’ouverture d'une ligne vicinale reliant Fontaine-l’Évêque à Marchienne-au-Pont. Durant la guerre 1914-1918, ce trajet était couvert journellement par des voitures qui conduisaient les voyageurs en break de la ligne Anderlues-Fontaine-Trazegnies vers le centre du Pays Noir. La prise en charge des voyageurs se faisait au Nouveau-Philippe et dans la rue L. Delattre.

Jusqu'en 1926, l'Administration communale avait été dirigée par deux grandes formations : les partis libéral et catholique qui obtenaient alternativement le pouvoir. Le suffrage universel allait permettre aux travailleurs d'avoir leur mot à dire dans la gestion de la ville ; aux élections de 1926, pour la première fois, les socialistes obtenaient la majorité absolue, majorité qu'ils conservent encore aujourd'hui.

La première chose importante qu'ils réalisèrent, fut l'érection de la Cité Chavée.

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Les volontaires travaillent le dimanche à creuser les fondations

Un généreux donateur, Paul Chavée, avait laissé sa fortune à la ville pour qu'elle fasse construire des habitations pour les indigents locaux; trente-six maisonnettes furent bâties à la rue de Beaulieusart. De nombreux Fontainois travaillèrent gracieusement aux fondations; d’autres apportèrent leur collaboration financière ; l'inauguration officielle de la Cité Chavée eut lieu les 20-21 et 22 septembre 1930 au cours de festivités restées mémorables. Ces habitations remplacèrent les taudis de l'hospitau situés entre le bas de la Place communale et le château. Cette même année, la ville de Fontaine-l'Évêque, comme tout le pays, célébra pompeusement les fêtes du Centenaire de l'Indépendance de la Belgique ; un grand cortège parcourut la ville.

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Une petite brochure, due à Monsieur Ghislain Hecq, instituteur communal, fut imprimée et raconta à la population l'histoire de la cité. Fontaine-l’Évêque fut encore une des premières villes du pays à constituer un comité local de l'Oeuvre Nationale Reine Astrid, pour venir en aide aux malheureux. La présidence en était confiée à M. Ch. Descamps, juge de paix et grand invalide de la guerre 1914-1918. De nombreux notables fontainois faisaient partie de ce comité ; de grandes fêtes dans le parc communal étaient annoncées pour le 1er septembre 1935 quand survint le drame de Küssnacht, provoquant la mort de la reine Astrid. Les festivités prévues n'eurent pas lieu et l'Oeuvre Nationale fut mise en liquidation.

En vue d'améliorer et d'étendre le service de distribution d'eau, le captage de la source de Belle-Fontaine, à la rue de Piéton, fut décidé en 1937.

Les années qui précédèrent la deuxième guerre mondiale furent encore employées à l’amélioration de la voirie et à la modernisation de l’éclairage public.

LA VIE ÉCONOMIQUE

Au lendemain de la guerre 1914-1918, l’exploitation de la pierre à chaux diminua fortement à Fontaine-l’Évêque ; une seule carrière, à l'Ermitage (Carrière Sténuick), restant en activité.

Les deux principales industries demeuraient la clouterie et le charbon alors que l'agriculture continuait son petit bonhomme de chemin comme elle le faisait depuis la période franque.

En 1925, les sept clouteries créées au XIXe siècle : les Clouteries Mécaniques, des Flandres, Baudoux, Dercq, 5ambre-Escaut, la Fontainoise et l’Espérance, auxquelles était venu s’ajouter en 1921 l’atelier Rosy construit à la rue d’Henrichamps, travaillaient à plein rendement ; elles occupaient de nombreux ouvriers. A titre d'exemple, la production des tréfileries était passée de 113.000 tonnes en 1913 à 300.000 tonnes en 1926-1927.

Les clouteries fontainoises intervenaient pour la toute grosse part dans ces tonnages. Les patrons faisaient d’excellentes affaires ; la condition des travailleurs avait fortement évolué elle aussi. Pendant quelques années, le cloutier fontainois vécut presque luxueusement. Mais cela ne dura guère.

Vers 1930, une crise mondiale atteignit le monde du travail et des affaires, car les pays clients étaient devenus producteurs et nous faisaient une concurrence terrible ; certains ateliers fontainois ne survécurent pas à cette crise. « L'Espérance » ferma ses portes en 1935, la Clouterie Mécanique Bayot en 1939.

Le chômage fit son apparition et avec lui son cortège de misères.

Au lendemain de la guerre, de nombreux étrangers s'installèrent à Fontaine-l’Évêque et travaillèrent à la mine ; le charbon était extrait dans quatre sièges : le numéro 1 dit « Pétria », le numéro 2 dit « Calvaire », le numéro 3 dit « Hougaerde, à la limite de Fontaine sur le territoire de Leernes et le numéro 4 dit « Bois d’Aulne » à Gozée. A partir de 1924, la société anonyme des Charbonnages de Fontaine-l'Évêque fit construire 49 maisons ouvrières : 27 à la cité du Moulin , 2 à la rue du Repos ainsi que 14 à Leernes et 6 à Gozée.

En 1927, cette même société ouvrit une école primaire et gardienne libre à la rue J. Despy.

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Les enseignants de l'école du Charbonnage en 1953-1954

En 1929, la S. A. des charbonnages de Fontaine-l'Évêque fusionna avec la S. A. d'Ougrée-Marihaye ; l’extraction en cette année 1929 fut de 330.200 tonnes de charbon gras à coke et demi-gras. Le nombre d'ouvriers occupés fut de 1850. Le 8 juillet 1931, cette nouvelle société demanda l'autorisation de réunir ses deux concessions de Beaulieusart et de Leernes-Landelies en une seule de 2449 hectares ; cette autorisation fut accordée par arrêté royal le 21 mars 1942.

Enfin en 1936, la S. A. d'Ougrée décida de céder ses concessions à la S. A. des Aciéries et Minières de la Sambre.

LES LOISIRS

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Au p'tit lac, rue Cressonnière

La loi des huit heures donna aux travailleurs des loisirs qu’ils n'avaient jamais connus auparavant. Pour les employer sainement, de nombreuses sociétés locales virent le jour dans les activités les plus diverses.

Déjà en 1844, une société de musique « La Royale Lyrique » avait été créée et avait connu de vifs succès nationaux et internationaux. Elle avait fêté pompeusement son 60e anniversaire en 1904.

D'autres sociétés musicales allaient proliférer à Fontaine : la fanfare libérale, la fanfare ouvrière « l’Avenir », le Cercle Mozart, la symphonie libérale, la symphonie de la Maison du Peuple, le Royal Accordéonist'Club. Une chorale « l'Orphéon fontainois » connut quelques années, un réel engouement.

Le carnaval fontainois dont l’origine est fort ancienne, se développait et donnait le jour à de nombreuses sociétés : les Philanthropiques, les Gilles de la Queue du Vivier, les Gilles à barrettes rouges, les Pierrots Noirs, les Pierrots Blancs, les Gilles de l'Hôpital, les Bouchers, les Pierrots Rouges.....

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A cette époque, les bals masqués et costumés étaient fort en honneur et les habitants faisaient preuve d'une grande imagination pour la présentation des costumes qu'ils confectionnaient eux-mêmes. Pendant la bonne saison, des kermesses de quartier avaient lieu un peu partout dans la cité ; elles étaient organisées par la jeunesse de l’endroit : ducasses des Perziaux, des Gaulx, de la rue d'En-haut, de la rue de Binche, de la Queue du Vivier, du Pétria, de Beaulieusart, des Mays...

Le théâtre d’amateurs faisait aussi florès dans nos murs ; chaque parti politique : catholique, libéral, socialiste, possédait son cercle dramatique ; chacun rivalisait d’ardeur et d’ingéniosité dans la présentation de comédies. de drames, de revues et d’opérettes. Les cercles d’éducation populaire organisaient de nombreuses conférences avec projections lumineuses tandis que les cercles horticoles exposaient à leurs membres la manière de tirer un maximum de rendement de leur jardin ou encore la façon d’arrondir leur budget par la pratique du petit élevage.

Dans le domaine sportif, la gymnastique était fort prisée : trois sociétés donnaient l’occasion aux jeunes Fontainois de développer leurs muscles tout en fortifiant 1eur santé.

Ces sociétés décrochèrent de nombreux prix dans les tournois régionaux et même internationaux. Le football avait vu le jour à Fontaine-Sportif sur les Gaulx, l'Olympic-Club au Pont Navez et Pétria Sports à la route de Mons.

Mais c'était surtout l’époque de la petite balle au tamis. Dans ce sport, Fontaine acquit une renommée nationale notamment avec ses Magnes, Campion et Mangeleer.

La colombophilie était aussi en plein essor : l’affiliation colombophile organisait des concours en deçà de Paris pour ses membres tandis que le « club » groupant les communes voisines, jouait à deux jours de panier.

Le basket-ball vécut quelques belles années avec le club de la Maison du Peuple qui jouait sur la place de l'Esplanade ; dans les cafés de la ville, les sportifs en salle prouvaient leur habileté sur le billard à trois boules.

Mais à côté de ces délassements actifs, une attraction nouvelle se développait dans nos murs. En 1913, M. Léon Buisseret avait installé une salle de cinéma muet à l'étage de son habitation ; l'année suivante, il transformait son établissement et ouvrait une grande salle au rez-de-chaussée. Ce fut surtout après la guerre que cette nouveauté connut son plein succès; petits et grands étaient passionnés par les films cow-boys avec Tom Mix ; les films d'aventures avec Douglas Fairbanks, d'amour avec Rudolph Valentino et les films de guerre tels que « Verdun », « Les Croix de Bois », « La grande épreuve », « La grande parade »...

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Le cinéma Le Grand Léon, Grand-Rue

En 1935, un autre cinéma, parlant celui-là, fut ouvert sur la grand-place par Monsieur Auguste Libouton ; le cinéma du « Grand Léon » se décida à installer le parlant qu'en 1938, tant les films muets connaissaient un succès de foule. Cette impressionnante série de loisirs fut malheureusement interrompue par la crise économique ; faute d'argent, de nombreux travailleurs évitèrent de sortir et la vie populaire fut mise en veilleuse.

LA GUERRE DE 1940-1945

Le 1er septembre 1939, les armées hitlériennes envahirent la Pologne.

Devant une menace qui se précisait de semaine en semaine, la Belgique mobilisa. De nombreux Fontainois durent quitter leur foyer pour rejoindre l'armée ; ce fut l'époque de la « drôle de guerre ». Malgré tout, l'optimisme était de rigueur ; le canal Albert d'une part. la ligne Maginot de l'autre, donnaient confiance à la population. Mais, le 10 mai 1940, les événements se précipitèrent. Toute la nuit, des escadrilles d'avions avaient survolé notre ciel ; le matin, la radio annonçait la guerre. Les Allemands étaient entrés en Belgique et, rapidement. nos soldats durent reculer devant une armée d'une supériorité écrasante. Le premier jour de la guerre, vers quatre heures de l'après-midi, un avion allemand poursuivi par deux chasseurs français déchargea cinq bombes au-dessus de notre ville ; la première tomba près du château Marcq, blessant à l'épaule Mme Van Nieuwenhove-Moralès qui habitait à proximité ; la seconde éclatant près de la Cité Chavée, souffla deux de ses petites habitations ; les trois autres s'enfoncèrent dans les prés en direction de Beaulieusart.

Quelques jours après, un autre combat d’avions se déroula au même endroit. Les balles et les éclats de bombes tuèrent trois Fontainois : MM. Delchambre Albert, Coffa Antonio et Janicki Michel, aux environs de la rue de Beaulieusart. Sur la route de Charleroi, des troupes françaises passaient sans arrêt en direction du front tandis que des milliers d’habitants de l'est du pays traversaient notre cité traînant leurs bagages sur toutes sortes de véhicules. Petit à petit, un climat de panique se créait chez les habitants, climat savamment entretenu par l'aviation allemande. Dès les premiers jours de la guerre, la radio belge donna l’ordre aux jeunes de moins de 35 ans de rejoindre Ypres d'abord, la France ensuite, pour y être mobilisés. Tous ces éléments joints au souvenir des atrocités de 1914, décidèrent la grosse majorité des Fontainois à quitter leurs maisons et à prendre le chemin de l'exil. Ce fut l'évacuation....

Pendant que les Fontainois cherchaient refuge en France, un événement navrant se passait dans nos murs. Des espions allemands avaient été lâchés sur tout le pays ; les soldats français qui traversaient notre ville crurent reconnaître l’un d’eux au carrefour du Nouveau Philippe ; ils s’en emparèrent et le fusillèrent sur place ; il s’agissait d'un paisible citoyen Caulier Marc, dont les sentiments patriotiques ne pouvaient être mis en doute. Quand les Allemands entrèrent à Fontaine-l'Évêque, la ville était presque entièrement vidée de ses habitants. Pendant une nouvelle période de quatre ans, nous allions connaître l’occupation. Intoxiqués par la propagande nazie et grisés par l'avance rapide des troupes allemandes, quelques rexistes fontainois les accueillirent et les aidèrent à s’installer chez nous.

Mieux vaut ne pas parler de ces traîtres. Les réfugiés rentrèrent au pays par petits groupes après quelques jours d’exode ou après quelques mois ; les uns n’avaient atteint que le Nord de la France, d’autres étaient allés jusqu’à Toulouse, Montpellier, plus loin encore. Quelques Fontainois parvinrent même à gagner l’Angleterre. Ils furent mobilisés ; ils y séjournèrent jusqu'à la fin de la guerre. Malheureusement, certains de nos concitoyens ne rentrèrent jamais au pays ; ils avaient péri sous les bombardements.

Tel fut notamment le cas de Desmecht Ernest, Desmecht Georges, Desmecht Raymond, Clara Arthura, Lardinois Rose,  Brasseur Léopold, Hecq Ghislain, Bertiaux Georges, Robbe Pélagie, Polain Jean-Pierre, Vanlerberghe Maurice.

Quant à nos six cents mobilisés, beaucoup furent capturés par l’armée allemande tandis que Dubois Georges, Scailquin Oscar, Mouchet Jean et Warmont Arnould périssaient glorieusement.

LE RATIONNEMENT

Si certains soldats eurent la chance de rentrer chez eux, près de trois cents Fontainois connurent durant quatre ans les misères physiques et morales des camps de prisonniers de guerre. Comme dans tous les pays occupés, nos habitants furent soumis au ravitaillement ; tout s'achetait en petites quantités grâce aux timbres distribués régulièrement par les services communaux ; un bureau de ravitaillement avait d'ailleurs été ouvert dans une maison du bas de la place Emile Vandervelde. Supportable au début de la guerre, le rationnement allait devenir de plus en plus strict au fur et à mesure que la machine de guerre allemande s'essoufflait.

A côté du marché régulier, insuffisant il faut bien le dire, pour nourrir décemment la population, un marché noir se développait dans tous les domaines ; on y trouvait des pommes de terre, du beurre, de la viande, du café et aussi des tissus, du cuir, du charbon. Ce commerce illicite permit à certains de s’enrichir pendant que les moins favorisés qui ne pouvaient s’y approvisionner, connaissaient la faim et le froid.

Le 9 janvier 1941, dans la salle du Conseil communal fut créé le Comité de Secours d'Hiver. Il comprenait MM. Staumont Auguste, président, Dubois Michel et le Docteur Delforge, vice-présidents ; Lempereur Fortuné, secrétaire ; Polain Armand, trésorier ; Gilliard Maurice et Becquart Pierre, membres.

Le Secours d'Hiver apporta une aide appréciable à la population et aux prisonniers de guerre : distributions de soupe et de repas aux indigents ; de vêtements, de linge, de charbon aux nécessiteux ; de colis aux prisonniers de guerre......

Les jeunes de la ville qui avaient la chance de ne pas connaître les camps de prisonniers ou de travail, se réunirent et formèrent un groupement destiné à recueillir de l'argent pour envoyer des colis aux prisonniers fontainois. Le comité était formé de MM. L. Bughin, vice-président, M. Romain, secrétaire ; Casterman M. et Scailquin M., trésoriers ; Parée J.A.S , régisseur artistique ; Devaux M., Ghislain G., Godessart R., Mandoux E., Vansteenlandt F., membres. Ils choisirent un aîné pour présider leur assemblée : M. Becquart Pierre, ancien combattant de 1914-1918. Grâce à leurs efforts et aux spectacles qu'ils mirent sur pied un soutien important fut accordé à nos prisonniers. Les autorités occupantes dès la première année de la guerre décidèrent la réquisition des métaux non-ferreux ; tout Fontainois qui possédaient des objets en cuivre dut les porter au bureau de ravitaillement.

LE GRAND CHARLEROI

Le couvre-feu, fixé à 10 heures du soir, avait été instauré ; seuls les travailleurs obligés de rentrer chez eux après cette heure pouvaient circuler à condition de posséder un laisser-passer fourni par la Kommandantur.

Afin de mieux contrôler 1es administrations communales. les Allemands créèrent en août 1942, le Grand-Charleroi qui réalisait la fusion de la plupart des communes de l’arrondissement en un grand centre sous la direction d'un collège rexiste tout dévoué à l’occupant.

Fontaine-l’Évêque perdait pour quelques années son autonomie communale ; le Bourgmestre et le Conseil communal furent suspendus.

Toute l’autorité passait aux mains des collaborateurs. Pendant toute la durée du Grand-Charleroi, aucune réalisation importante ne fut entreprise ; les bâtiments de la ville et la voirie étaient à peine entretenus et le personnel était payé sur le tarif des années 1940 alors que la vie avait terriblement augmenté.

LA RÉSISTANCE

Hitler, ayant de plus en plus besoin d'hommes pour la poursuite de la guerre inventa le travail obligatoire ; des ouvriers d’abord, des employés et des étudiants ensuite furent convoqués à Charleroi dans les locaux de la Werbestel d'où ils recevaient un billet pour rejoindre les usines en territoire allemand. Certains Fontainois ne partirent jamais ; d'autres lors d'un congé, disparurent de la circulation et se cachèrent un peu partout. Ils devinrent des réfractaires qui devaient se sustenter sans timbre, ni ravitaillement.

Pendant ce temps, plusieurs groupes de résistants s'étaient constitués secrètement à Fontaine-l'Évêque. Sous des appellations diverses, ils avaient de nombreux objectifs : aide en timbres, en argent, en nourriture, en vêtements aux réfractaires et aux prisonniers russes évadés ; sabotage de voies de communication ; liquidation des traîtres; hébergement et rapatriement d'aviateurs de la R. A. F. tombés sur notre territoire ; recherche de renseignements militaires à transmettre à Londres ; distribution de fausses cartes d’identité à tous ceux, Belges et Alliés, qui devaient se cacher...

Un tender couché sur le pont du Ventaire écroulé
(Document : Oscar Moureaux)

Les principaux chefs de ces mouvements étaient : Dewilde Sylvain et Huart Marc pour le Front de l’Indépendance; Derwiduée Arille pour le Mouvement National belge ; Lecocq Robert pour le Groupe G; Parée Joseph pour le Service Secret Socrate. Ces groupements rassemblaient environ deux cents résistants. Devant la force grandissante de la Résistance, les Allemands, décidèrent de passer aux représailles. On sabotait les voies de chemin de fer Les Allemands placèrent des otages belges dans les convois. Le docteur M. Denamur, M. Crucifix, Directeur de l'Ecole Moyenne de l'Etat ou garçons, M. Parée ]., Secrétaire communal, M. Duquesne M., Conducteur des travaux de la ville durent accompagner les trains d’Allemands sur diverses lignes.

Pendant ce temps, d'autres habitants étaient incarcérés comme prisonniers politiques. Ce fut le cas de Devaux M. fils, de Meunier Camille, de Vanhoorde ]oseph, de Nocent Marcel, de Lemal Georges, de Desonbergh Joseph, de Mercier Oscar, de Daneau Jacques qui furent libérés au bout d'un certain temps. Ce fut aussi le cas de l'abbé Piérard, de Bontemps Désiré, de Devaux Marcel et de son épouse, de Bousingault Henri, de Mabille ]ean, de Delcourt Fernand qui, eux, y laissèrent leur vie.

Pendant ces années tragiques, on apprit encore la mort de l'abbé F. Deflandre, de Brogniez Arthur et de Lequime Fernand dans les camps de prisonniers de guerre.

Fontaine-l'eveque

L'abbé Deflandre, le jour de son ordination

Dans la nuit du 18 août 1944, les rexistes enlevèrent Brogniez Charles, commissaire de police de la ville. On devait le retrouver, lâchement assassiné, le lendemain, parmi les victimes de la tuerie de Courcelles.

Enfin, la libération de notre territoire arriva.

Fontaine-l'eveque, son histoire

Rue Despy - Septembre 1944
(Document : Élise Demoulin-Agon)

Fontaine-l'eveque, son histoire

L'armée américaine sur la route de Mons
(Document : Adelina Baudouin)

Fontaine-l'eveque, son histoire

Au carrefour du Pétria

LA BATAILLE DU TERRIL

Durant les premiers jours de septembre 1944, la route de Mons à Charleroi vit passer des milliers de soldats allemands en débandade, essayant de regagner l'Allemagne le plus vite possible et par tous les moyens.

Le 4 septembre, au début de l'après-midi, toute la population se pressait le long de la route pour applaudir et embrasser les premiers soldats américains ; des grappes humaines, juchées sur les blindés, accompagnaient les libérateurs pendant des kilomètres ; l'atmosphère de cette journée exceptionnelle est indescriptible. Cependant, elle allait être ternie par un tragique événement local. Un jeune major allemand retranché dans la forêt de Compiègne décida de continuer la lutte, sur le chemin du retour, avec quelques centaines de fanatiques. Ils voyageaient de nuit, pillant et incendiant sur leur passage. Ils arrivèrent chez nous, juste avant la libération et se réfugièrent sur le terril numéro 2, rue du Roton, entre la route de Mons et le quartier de 1a Queue du Vivier. Ce terril boisé était pour eux un abri sûr d'où ils dominaient les campagnes environnantes ; décelés par la Résistance locale, quelques dizaines d’Allemands furent cependant ramenés le 4 septembre.

Le lendemain matin, une nouvelle expédition fut organisée dans les bosquets au pied du terril, qui permit de faire quelques nouveaux prisonniers. Au moment où ils se trouvaient en pleine vue, les Résistants entendirent des balles crépiter autour d’eux. Une véritable bataille s'engagea entre les Fontainois, à découvert dans les prairies de la rue du Roton et les Allemands, bien dissimulés dans la végétation du terril. Le combat eût pu durer longtemps encore si on n’avait pu amener sur place un tank américain qui força le major et une centaine de soldats à se rendre. 

À la nuit tombante, les résistants et un soldat américain restaient étendus, sans vie ; ils avaient nom : Argot M., Caudron R., Dewilde S., Dubois L., Dufour F., Hennebert G., Illau F., Jacmain J., Lempereur R., Léonard F., Schroeven L., Vermeersch A., Taffyn P., Willame R., Woué A. et Nason Harold. 

Fontaine-l'eveque, son histoire

Harold Nason sur son lit de mort

De petites croix de bois, fichées là où ces braves périrent et un monument en pierre bleue édifié à proximité, rappellent cet événement tragique aux jeunes générations.

Fontaine-l'eveque, son histoire

L'enterrement des victimes de la bataille du terril